Nous prîmes donc la route pour l’hôpital avec Elliot.  Gerhard se rendit à la porte de l’urgence avec la voiture pour m’éviter de marcher.  En sortant de la voiture, je fus prise d’un énorme vertige et d’une vague de panique et je dis à Gerhard que je ne pourrais pas marcher jusqu’à l’intérieur.  Un homme qui se tenait près de la porte nous aperçut et vint nous aider en m’apportant une chaise roulante sur laquelle je réussis à m’assoir.  Gerhard stationna la voiture et m’accompagna ensuite dans la salle d’attente.

Pendant que j’attendais mon tour pour le triage, je me sentais de mal en pis.  Je devais rester à moitié couchée sur la chaise, les pieds reposant sur une autre chaise afin d’éviter de me sentir trop étourdie.  Puis, soudainement, je commençai à trembler.  Mes bras étaient étrangement secoués de spasmes.  Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait.  Je me rappelle le regard intrigué des gens autour de moi : une pauvre mère avec un tout jeune bébé qui devait sûrement leur apparaître dans un état inquiétant.

Lorsque mon tour arriva pour le triage, Gerhard poussa ma chaise roulante vers le bureau de l’infirmière.  Elle me posa quelques questions sur mon état tout en prenant des notes.  Lorsqu’elle  voulut prendre ma pression, mes tremblements recommencèrent.  Sur un ton quelque peu distant, elle me demanda d’arrêter de bouger.  Elle ne se rendait définitivement pas compte que je n’avais aucun contrôle sur ces spasmes, ce que je lui fis d’ailleurs remarquer sur le champ.  Elle parut alors surprise et je crois que cela lui fit réaliser l’urgence de mon état.

En attendant d’être vue par un médecin, je commençai à me sentir un peu mieux. Les tremblements disparurent et je fus en mesure d’allaiter Elliot qui heureusement pour nous, était d’une tranquillité remarquable.  Gerhard s’inquiétait pour moi et il craignait grandement que notre attente fut interminable surtout lorsqu’il entendait des gens autour de lui affirmer qu’ils attendaient déjà depuis plus de quatre heures. Il fut tenté à un moment de quitter l’urgence pour qu’on se rende à une clinique sans rendez-vous mais je le convaincs de rester.  J’avais le pressentiment que mon état exigeait que je reste à l’hôpital.

À notre grande surprise et soulagement, je fus appelée en moins d’une heure pour me rendre à une autre salle où un médecin me verrait sous peu.  Gerhard ne pouvait toutefois pas me suivre avec Elliot.  Un infirmier me dit que c’était pour protéger mon bébé des microbes environnants.  Ils devaient m’attendre de l’autre côté d’une porte barrée.  On me fit asseoir en attendant qu’un médecin se libère pour me voir.  Je ne sais pas combien de temps s’écoula, mais cela me parut long.  Je décidai finalement de ne pas suivre l’avertissement de l’infirmier et je fis entrer Gerhard et Elliot dans la salle.  Je voulais qu’ils restent avec moi.  Cela me rassurait.  De toute façon, Elliot aurait besoin que je l’allaite à nouveau sous peu.

Un médecin vint finalement me voir et nous demanda de le suivre dans une autre salle d’attente.  Il ne fit aucune  remarque sur la présence de Gerhard et Elliot.  Aucun lit n’était disponible pour l’instant.  Je me sentais encore étourdie et j’aurais bien aimé pourvoir m’allonger en attendant.  Quand une infirmière vint me voir pour me demander de lui donner un échantillon de mon urine, une autre grande vague de vertige me submergea.  Je lui dis que je ne me sentais vraiment pas bien et que je ne serais pas capable de me rendre à la salle de bain.  Elle parut très sceptique.  Me voyant dans un tel état et en réalisant que l’infirmière ne semblait pas trop compréhensive, Gerhard exigea qu’on me trouve un lit sur lequel m’étendre.

Après quelques minutes, on nous indiqua un lit disponible pour moi.  Ce fut avec grande difficulté que je m’y rendis.  Je me sentais incapable de marcher sans aide.  Je dus m’accrocher aux bras de Gerhard tout en gardant la tête penchée dans la crainte de  m’évanouir.  L’infirmière essayait de me convaincre que j’étais capable de marcher.  Son regard et son attitude envers moi traduisaient un réel manque d’empathie à mon égard.  Gerhard et moi sentirent qu’elle doutait de la gravité de mon état et qu’elle ne me prenait pas au sérieux.  Cela offusqua davantage Gerhard que moi, mais une fois que je me sentis mieux, allongée sur un lit, je l’encourageai à ne pas trop en faire de cas.  Je trouverais bien le moyen de remettre cette infirmière à sa place en temps et lieu.

Au bout d’un moment, ce fut une autre infirmière qui se présenta pour prendre ma température et ma pression.  Elle était d’une douceur et d’une compréhension réconfortante.  Bien qu’elle ne fût pas en position de poser un diagnostic, elle tenta de me rassurer en me disant que mon état n’était probablement pas si grave que cela.  Juste le fait de discuter calmement avec elle suffit pour me faire sentir mieux et être capable de me rendre à la salle de bain pour recueillir un échantillon de mon urine.  En me regardant dans le miroir, je remarquai alors des plaques rougeâtres sur ma poitrine.  Je n’avais aucune idée de leur provenance, mais je ne m’en inquiétai pas outre mesure.

Puis un médecin vint enfin me voir pour m’examiner.  Il semblait très perplexe, ne sachant pas trop quoi me dire pour expliquer mon état.  C’est alors qu’une autre crise de vertige me saisit et que je me remis à trembler.  Cela fut suivi par l’apparition d’autres rougeurs sur ma poitrine qui disparurent une fois que mes tremblements se calmèrent.  J’étais contente que le médecin puisse voir ces symptômes et j’espérais grandement qu’il en connaîtrait l’origine.  Lorsque je lui posai la question, il me regarda ne sachant trop quoi me répondre. Il était évident qu’il ne comprenait pas ce qui m’arrivait. La seule chose qu’il pouvait suspecter pour le moment était que j’étais victime d’un virus dont il ne connaissait pas l’origine.  Cela m’effraya.  Mon imagination se mit en marche à vive allure.  Je m’imaginai alors souffrir d’une maladie incurable qui me conduirait rapidement à la mort.  Je regardai alors mon mari qui tenait tendrement notre fils endormi dans ses bras.  Ses yeux reflétaient clairement de l’angoisse mais sa bouche restait muette.  Et si je mourrais, pensai-je, je les laisserais tous les deux derrière moi… Comment survivraient-ils à ma mort ?  Elliot est si jeune et fragile ! S’en était trop pour mon cœur d’épouse et de mère.  Je me résonnai à me calmer et à penser à autre chose.

Pour vérifier son hypothèse de maladie virale, le médecin demanda à ce qu’on me fit des prises de sang et qu’on me fasse passer une radiographie des poumons.  Bien que mes tremblements avaient cessé, l’infirmière eut grand mal à insérer la seringue dans une de mes veines.  Celles-ci n’étaient pas beaucoup apparentes ce qui lui fit constater que mon corps était déshydraté.  En effet, j’avais vraiment très soif et il me semblait que malgré l’eau que je buvais, je n’arrivais pas à être désaltérée.  Le médecin ordonna donc qu’on me branche à un soluté contenant uniquement de l’eau salée.  L’effet de ce soluté fut rapide et en quelques minutes je commençai à me sentir beaucoup mieux.  Gerhard me reconduit ensuite à la salle de radiographie en demandant aux infirmières de garder un œil sur Elliot qui s’était endormi et qu’il avait couché de façon sécuritaire dans mon lit.  Je me sentais déjà plus calme et la radiographie fut rapide. Les résultats ne démontrèrent rien d’anormal.

Lorsque Gerhard et moi revinrent dans la salle d’urgence, nous aperçûmes alors deux jeunes hommes penchés vers Elliot de chaque côté de mon lit.  Ils l’observaient en silence avec une tendresse manifeste, en bons protecteurs de son sommeil.  Cette scène émouvante eut définitivement un effet apaisant sur moi. À notre vue, ils nous firent un sourire des plus réconfortant et nous les remerciâmes alors de leur précieuse aide.  Ils quittèrent ensuite la salle d’urgence et nous ne les revirent plus. Bien qu’ils devaient sûrement être des membres du personnel de l’hôpital, nous ne surent jamais qui ils étaient vraiment. Cette situation nous paraissant quelque peu insolite mais ô combien touchante, nous fûmes tous deux enclins à penser que deux anges gardiens avaient bien voulu nous porter main forte en ces moments de bouleversement.

 

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